Attribution actuelle : Domenc de Blausac dict « Debba_1er »
Précédent(s) Seigneur(s) : Guilhem de Tréviers
La description des armoiries est : « D'or à l'ours de gueules sur pied accolé d'une ceinture d'argent, armé d'une épée de même. »
La devise du fief est : Inconnue
Sa population se nomme : Inconnu
Quand on veut envahir les Cévennes en venant de la voie domitienne qui forme un arc le long du Golfe du Lion, le plus simple est de remonter le long des fleuves côtiers ou les affluents du Rhône. Il n'y en a pas tant que cela : de l'orient à l'occident, le gardon d'Alès et Anduze, le Vidourle et l'Hérault. Dès que l'on monte vers le nord, on passe de la plaine cultivée à la garrigue basse, puis à la garrigue haute et l'on atteint un piémont torturé et défendu par un relief agressif, fendu par ces rivières. Ainsi l'Hérault qui nous intéresse ici surgit au confluent de trois défilés en patte d'oie, qui forment la porte naturelle d'un territoire homogène et chaotique à la fois. C'est le pays d'Hierle.
[Jusqu'en 1730 un seul passage fut praticable entre deux murailles rocheuses, en remontant la rivière de l'Est, souvent à sec par un affaissement souterrain de son lit ; les deux autres forment
des gorges dangereuses où les eaux montent subitement au premier orage et noient les sentiers de rives.]
Si le pourtour de ce pays difficile d 'accès est protégé par de hautes montagnes, le parcourir dans tous ses recoins une fois entré, est paradoxalement facile, des cols assez bas et nombreux
permettant de passer d'une vallée à l'autre. C'est un pays de châtaigniers depuis toujours, ce qui permet de penser que les Celtes y installèrent des villages importants à chaque confluent de
torrents. On relève qu'ils inventèrent la barrique à vin au bénéfice des Romains, et Hierle depuis des temps immémoriaux fut un pays de tonnellerie alors qu'on y produisait très peu de vin ; ce
qui prouve que le châtaignier fut exploité là très tôt. Ce point n'est pas anodin.
Les historiens disent que les Cévennes furent peuplées bien avant la plaine de Bas-Languedoc à cause de la ressource inépuisable du châtaignier, et pour le confort dû à l'absence de moustiques et
de miasmes des marais saumâtres. L'arrière-pays par rapport à la mer était vraisemblablement plus riche que la plaine d'ajoncs brûlée de soleil.
La pax romana
Les Romains qui conquirent la plaine et fondèrent la Narbonnaise un siècle avant JC, ne pouvaient ignorer les territoires plus peuplés de l'intérieur, au moins pour les taxer. Hommes de la ville,
ils n'investiront le territoire pas plus avant que pour la collecte du Fisc, mais habiles administrateurs, ils perceront une voie de part en part pour le patrouiller aisément jusqu'au Rouergue et
Gévaudan plus riches. Colonialistes avisés, ils bâtiront un oppidum à l'entrée de la souricière : Ganges ! Qui restera très longtemps une entité étrangère au pays d'Hierle. [De nos jours, Ganges
appartient à un département différent et même ses habitants ont des particularismes assez différents de ceux du Vigan ou de Sumène.]
Pays enclavé, il y eut donc peu de mélanges en Hierle, sauf aux meilleurs de partir vers les emplois rémunérateurs de la Province où les Romains avaient fait pousser des villes admirables, de
Narbonne à Nîmes et Arles.
L'influence nouvelle est néanmoins traçable en pays d'Hierle par le repli des cultes druidiques aux sources des torrents, laissant l'espace libre pour des édicules ci et là abritant le génie du
lieu. On les consacrera plus tard à la Vierge Marie ! Finalement il restera de cette domination civilisatrice, le cadastre fiscal, le droit romain ou raison écrite, remarquable de logique et de
hardiesse, et in fine la propagation discrète d'une foi nouvelle à partir du deuxième siècle de notre ère, qui au fil des siècles deviendrait un puissant ferment de discorde.
En attendant, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes modernes quand le barrage qui contenait les Barbares, céda. 399 ! Déferlent sur la Narbonnaise les Vandales et autres hordes
hurlantes qui pillent et cassent tout ce qu'ils ne comprennent pas, et laissent derrière eux, en route pour l'Espagne torride, une terre brûlée. Quinze ans plus tard déboulent les Goths. 416 ! Ce
n'est plus la horde de guerriers, c'est tout un peuple en armes, avec femmes, enfants et vieillards, plus doux de moeurs et déjà dégrossi, qui préférait la nature aux ruines glorieuses des cités
romaines qu'ils ne relèveront d'ailleurs qu'assez tard. Pour paraphraser Charles Maurras, le Goth " veut vivre, s'emparer, s'assurer d'une multitude de biens; il est tout yeux, tout âme pour les
astres, la mer, les prairies, les jardins, les vignes et les blés, un peu ivre de tout ce que lui manifestent la terre et le ciel (La musique intérieure)".
Les Wisigoths, les Francs
Les Goths qui avaient une perception de l'administration romaine pour avoir longtemps séjourné aux limes de l'empire d'Orient, se répartirent le cadastre avec une incroyable minutie et fondèrent
un empire depuis le Piémont transalpin jusqu'en Catalogne et Aragon et plus bas encore. Le royaume d'occident fut dit wisigoth car attribué aux sages, aux avisés. Les nouveaux venus appliquèrent
leur droit féodal que tient debout une pyramide d'hommages, et diffusèrent un droit canon de l'Eglise arienne, car c'était aussi des chrétiens. Le royaume fonda une unité de moeurs dont il ne
reste aujourd'hui que cette langue dite occitane, parlée de Gênes à Barcelone.
Le pays d'Hierle où les Goths laissèrent beaucoup de terres aux anciens propriétaires - c'est l'origine des alleux -, coula des jours paisibles sous l'aimable joug wisigothique, dont la vie
quotidienne était codifiée dans le Bréviaire d'Alaric. Ceci jusqu'à l'attaque des Francs du roi Théodobert qui déboula du Gévaudan en 526. L'Eglise qui poussait derrière pour écraser la
concurrence du schisme arien, fonda le diocèse d'Hierle, et c'est à partir de cet évêché franc que le pays devint une entité politique distincte de l'ancienne Narbonaise. Ce fut aussi la première
guerre de religion en ces contrées qui allait en subir d'autres.
Cent ans plus tard, le diocèse qui s'avérait contrôler au meilleur endroit la route Provence-Rouergue, fut complété d'une administration militaire et civile pour devenir une baronnie, la baronia
arisdii. Mais sa configuration accidentée, sans doute aussi le caractère têtu du peuple de ses côteaux, et plus sûrement la grande distance de l'autorité morale religieuse qui résidait à ...
Metz, laisse penser que le baron d'Hierle rechercha la suzeraineté des Wisigoths qui s'étaient maintenus au bord de la mer, à portée de voix.
La stabilité ne dura que cent ans.
Les Sarrasins
Ceux qui allaient venir laisseraient les Vandales au rayon des comiques à moins que ce ne soit les descendants des mêmes qui avaient pu échapper aux sables maurétaniens. 720 ! les Maures
remontant l'Espagne en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, passent les Pyrénées et ravagent la Septimanie wisigothique. La baronnie d'Hierle n'est pas épargnée, même après que Charles
Martel descendant de Poitiers, eut récupéré Nîmes en incendiant ses arènes en 752. S'ils ne s'installèrent dans le pays cévenol pas plus longtemps que pour monter des camps de pillards - on en
connaît les emplacements par la toponymie - le saccage fut total. Le reflux maure ne fut terminé qu'en 790.
Le pays d'Hierle ruiné n'avait plus assez d'habitants pour justifier un diocèse et la baronnie fut rattachée à Nîmes, comme à la fin de la période romaine.
Charlemagne
L'administration carolingienne stabilisera tout le royaume et son régime féodal. En 892, le comte de Toulouse Raymond II joignit à ses domaines le comté de Nîmes duquel découlait tout le reste.
Après cinq siècles de troubles, la société apaisée, délivrée des invasions, se recueillit dans l'indépendance individuelle en réaction contre le collectivisme gallo-romain ou l'oppression
sarrasine, et la terre fut divisée en presque autant de parcelles qu'il y avait de feux, toutes administrées par un codex de droits et devoirs réglant la condition de chaque propriétaire et ses
contributions à l'Etat. Ce régime féodal que l'on détecte avec précision dans les archives dès l'an 900, subsistera très tardivement. La baronnie ne redevint ni gauloise, ni romaine, ni même
mérovingienne, mais wisigothe !
Quand les Wisigoths débarquèrent en Hierle leur chef s'attribua la souveraineté pleine et entière du territoire sur la base du cadastre fiscal romain. Les droits déjà inscrits, souvent iniques,
étaient dénommés Justices et comportaient outre le droit de juger, les droits de police, banalités, aubaine et confiscation. Ces droits seigneuriaux d'origine romaine feront l'objet de grandes
disputes jusqu'à la fin du régime féodal. Ils corrompirent l'essence du droit wisigothique en le pécuniarisant à outrance.
[...]
Grandeur des barons d'Hierle
Le premier baron d'Hierle était issu de la puissante maison d'Anduze qui régnait sur d'immenses domaines en Septimanie et était alliée aux comtes de Toulouse, vicomtes de Nîmes, de Béziers, et
aux Seigneurs de Montpellier. Cette grande famille s'était divisée en plusieurs branches sur des territoires distincts mais attenants, adoptant chacune un patronyme propre.
Le Seigneur justicier d'Hierle prit le nom de Bermond. Une branche collatérale établie au bord de la baronnie sur la Justice de Saint-Martial se nomma Estienne.
La baronnie suivit le sort de toutes les possessions de la maison d'Anduze jusqu'à la croisade des Albigeois, quand le roi de France confisqua les domaines comme il le fit largement partout en
Languedoc, au bénéfice de la couronne ou de ses barons francs, compensant quelque fois tardivement la capture d'une rente. Hierle passa sous le joug de France en 1226, contre 600 livres de rente
accordée en 1243.
Le dernier Bermond réussit à se faire restituer la baronnie en 1254. Il mourut en 1294 sans enfants, non sans avoir vendu aux paroisses d'Hierle pour 6000 sols tournois, quasiment tous les droits
seigneuriaux, à savoir la création d'offices municipaux, le droit de four et de moulin, de pêche et chasse, de lignerage et pâturage et les garanties d'emprisonnement arbitraires (cautions).
C'était le 5 novembre 1275.
En 1280 il vendait la Justice d'Hierle à Pons de Saint-Just. Exeunt les Bermond.
Pour le moment la baronnie restait entière.
La maison de Saint-Just était à l'époque dirigée par l'aîné de la famille, évêque de Béziers dès l'âge de 18 ans ! Il fit un peu de monnaie en usant du droit seigneurial qui lui restait, le droit
de tabellionnage, créant moult notaires et scribes. Faute d'héritiers en ligne (bien sûr), Hierle va rester dans les mains de la même génération pendant 23 ans. C'est une fille qui recueillera
l'héritage et se mariera avec un Peyrefort, lui apportant en 1303 la baronnie intacte, sauf les droits utiles déjà vendus.
Dispute et division de la baronnie
La maison de Peyrefort fera hommage au roi de France pour Hierle juste avant la guerre de Cent ans. Elle s'alliera plus tard avec les Seigneurs de Ganges réunissant enfin dans la même main tout
le pays d'Hierle et sa seule porte d'accès au Sud. Cette position forte acquise sans grand effort, aiguisera l'arrogance des nouveaux Justiciers envers leurs vassaux.
C'est pendant cette période troublée de la guerre anglaise que la baronnie sera finalement divisée.
L'ancienne branche Estienne de la maison d'Anduze descendit un matin de son castrum de St-Martial et prit l'une des trois vallées, profitant d'une dispute entre deux frères Peyrefort qui avaient
expatrié leur différent à Paris ! De toute l'histoire de la baronnie, c'était la première fois que le régime féodal ne se régulait pas localement par application du droit en vigueur en Languedoc
(Nîmes, Montpellier ou Toulouse), mais par une décision de justice prise à l'autre bout du monde, au Parlement de Paris. La décision fut évidemment contestée, le dernier Seigneur justicier debout
marqua sa victoire chèrement acquise en révoquant franchises et libertés coutumières de ses vassaux et et de leurs communautés (municipalités) ; et le pays d'Hierle passa au parti des Anglais
!
La guerre finie mais pas les désordres, il était temps de retrouver la confiance de ses sujets et le 14 juillet 1451, le baron Peyrefort octroya une charte à la ville de Sumène, la plus remuante,
lui permettant de se fortifier contre six vingt moutons d'or comptant, et le droit de leude sur toutes marchandises vendues à Sumène par des étrangers à la baronnie. Le grignotage ne cesserait
jamais entre bourg et château à l'avantage du premier. Les franchises consulaires des bourgs construisaient un Etat distinct de la baronnie originelle, même si toujours imbriqué dans
celle-ci.
La veuve du dernier baron d'Hierle n'ayant eu que des filles, vendit le pays en lots vers 1517. C'était la fin du Moyen Âge. Une dizaine de hobereaux fortunés se taillèrent des seigneuries dans
ce qui avait été un simple baronnie militaire franque.
Le Vigan est constitué comme fief propre, au sein meme du pays d'Hierle, par une charte de donation et fondation de 1053 de Pons, Comte de Toulouse, à l'abbaye
Saint-Victor-lez-Marseille.
Lorsque Saint-Louis consentit à rendre à Pierre Bermond une partie de ses biens, il rentra en possession de sa terre d'Hierle, mais fort diminuée.
Quelle était alors sa consistance ? On n'est pas absolument fixé là-dessus. Certains parlent de six districts, qu'il faudrait bien délimiter ; d'autres de vingt-deux paroisses et douze châteaux,
parmi lesquels ceux de Montdardier, Rogues, Blandas, Vissée, Madières, St-Laurent, Roquedur, Sumène. Quelles étaient les vingt-deux paroisses de la baronnie? On cite avec certitude Aulas, Sumène,
Roquedur, St-Laurent, St-Bresson, Pommiers, Montdardier, Bréau, Molières, Bez, Arre, Blandas, Avèze.
Toutes ces paroisses entourent le Vigan. Certaines comprennent un vaste territoire, ainsi le mandement de Montdardier s'étendait sur les paroisses de Rogues et de Pommiers.
La baronnie allait jusqu'à la vallée de la Vis, soit au point de contact des sénéchaussées de NimesBeaucaire et de Carcassonne, et des diocèses de Lodève et de Nimes.
C'est ainsi que les seigneurs de Campestre et de Madières étaient vassaux du baron d'Hierle, et leurs justices étaient ressortables, par appel, devant les officiers de la baronnie. Et cependant
Madières était de la mouvance de l'évêque de Lodève .
Un dénombrement du 14 mars 1435 mentionne comme faisant alors partie de la terre d'Hierle les lieux d'Esparon et Bez, Blandas, Montdardier, Rogues, St-Laurent, St-Bresson, Pommiers, Roquedur,
Sumène, Madières, Vissée, Campestre, divers hameaux et Aulas, centre de la baronnie. Or Aulas comprenait quatre agglomérations assez importantes : Aulas, Arphy, Salagosse, Bréau et sa vallée
appelée Bréaunèze. Tout cela forme aujourd'hui quatre communes.
Si on tient compte de ces divers éléments on peut se faire une idée assez exacte de ce qu'était là baronnie d'Hierle, après 1243. Les Bermond ne gardèrent pas longtemps leur fief. Leur situation obérée ne le leur permit pas.